
« C’est tout à fait contraire à l’éthique ».
Les artistes visuels ne sont pas les seuls à ressentir l’empiètement de l’IA – car maintenant, les acteurs vocaux professionnels commencent à en être aussi affectés.
La semaine dernière, le site Internet Vice a fait état d’une tendance troublante qui gagne du terrain dans le secteur des acteurs vocaux : des acteurs à qui l’on « demande » – parfois pas très honnêtement – de signer des contrats qui permettraient à leurs clients de synthétiser leur voix à l’aide de l’IA, leur permettant ainsi de manier la voix d’un acteur aussi longtemps qu’ils le souhaitent, pour dire ce qu’ils veulent, et souvent sans aucune compensation supplémentaire.
Un autre aspect désolant de ces contrats ? Les clauses relatives à l’IA qu’ils contiennent ont tendance à être intégrées de manière trompeuse.
« Le langage peut être confus et ambigu », a déclaré à Vice Tim Friedlander, président de l’Association nationale américaine des acteurs vocaux, qui décrit cette pratique comme « très répandue ».
« De nombreux acteurs vocaux peuvent avoir signé un contrat sans se rendre compte qu’un tel paragraphe avait été ajouté (…). Certains acteurs se font dire qu’ils ne peuvent pas être engagés sans accepter ces clauses », a-t-il noté.
Dans le sillage de la nouvelle, de nombreux acteurs ont commencé à s’exprimer sur l’utilisation de l’IA pour imiter leur voix, comme l’a constaté Gizmodo. Certains venaient tout juste de découvrir que leur voix était synthétisée sur des applications et des sites Web d’IA sans leur permission (bien qu’ils n’aient pas révélé quelles plateformes spécifiques).
« Hé les amis, je sais que la technologie de l’IA est passionnante, mais si vous voyez ma voix ou l’un des personnages que je fais chanter sur l’un de ces sites, sachez que je n’ai pas donné ma permission et que je ne la donnerai jamais », a écrit Steve Blum, la voix graveleuse emblématique de Spike Spiegel dans la série animée à succès « Cowboy Bebop », dans un tweet vendredi.
« C’est tout à fait contraire à l’éthique », a-t-il ajouté.
De nombreux autres doubleurs de renom, comme Matthew Mercer, Stephanie Sheh et Cristina Vee, ont fait écho au sentiment de Steve Blum.
« Je sais que des gens ont utilisé l’IA de ma voix pour s’amuser, faire en sorte que mes personnages jurent ou fassent d’autres choses hors de prix, etc. », a tweeté Crjstina Vee. « Tout cela est fait sans mon consentement et c’est extrêmement bizarre. Si vous voyez des clips dans la nature, sachez que c’est sans ma permission. »
Pour l’instant, les acteurs vocaux ont encore le choix de signer ces contrats – en supposant qu’ils réalisent dans quel genre d’accord diabolique ils s’engagent en premier lieu.
Mais il est indéniable que si cela devient une pratique courante, la pression pour signer ces contrats sera bientôt écrasante s’il s’agit de choisir entre un travail rémunéré et rien du tout.
Les implications monétaires de cette situation pour les doubleurs sont déjà assez inquiétantes, mais la possibilité que leurs voix soient appliquées à un contenu auquel ils n’ont jamais consenti à participer est encore plus troublante.
« Que se passe-t-il lorsque nous acceptons volontiers un rôle et que, une fois dans la cabine, nous voyons une ligne particulière du scénario qui ne nous convient pas, et que nous exprimons un malaise sans ambiguïté ? » a demandé la doubleuse Sarah Elmaleh, dans ses commentaires à Vice. « Que se passe-t-il si le producteur ne comprend pas ou n’accepte pas le sérieux de cette objection ? ».
« Normalement, nous sommes en mesure de refuser de lire la ligne, pour empêcher qu’elle soit utilisée », a ajouté Sarah Elmaleh. « Cette technologie contourne évidemment entièrement cette possibilité.«
On peut tout à fait estimer que ce principe sera également appliqué en France.
https://futurism.com/voice-actors-companies-stealing-voices-with-ai
https://gizmodo.com/voice-actors-ai-voices-controversy-1850105561
https://www.vice.com/en/article/5d37za/voice-actors-sign-away-rights-to-artificial-intelligence