« Ils essaient faire 20 ans de recherche en 4 ans», explique sur un ton qui mélange incrédulité et excitation Michael Kahana, directeur du laboratoire de mémoire informatique à l’Université de Pennsylvanie, qui réfléchit sur le projet de l’Agence américaine de projets de recherche avancées de Défense (DARPA). Au cours des quatre prochaines années, lui et d’autres chercheurs sont chargés de la compréhension de la neuroscience de la mémoire, puis de construire un appareil de mémoire prothétique, prêt pour une implantation dans le cerveau humain.
Les premiers contrats de la DARPA concernant le programme RAM (Restoring Active Memory) défient deux groupes de recherche pour construire des implants destinés aux anciens combattants souffrant de lésions cérébrales traumatiques et qui n’ont peu ou prou de souvenirs.
Plus de 270 000 membres des services militaires américains souffrent de telles blessures subies depuis 2000, selon la la DARPA, et il n’y a pas de traitement médicamenteux vraiment efficace. Ce programme s’appuie sur l’initiative précédente de la DARPA axée sur la construction d’une prothèse de la mémoire, en vertu duquel un autre groupe de chercheurs a eu un succès considérable dans l’amélioration des souvenirs chez des souris et des singes.
L’équipe de Michaël Kahana va commencer par la recherche de marqueurs biologiques sur la formation et la récupération de la mémoire. Pour cette première recherche, les sujets de test seront des patients épileptiques hospitalisés qui ont déjà eu des électrodes implantées pour permettre aux médecins d’étudier leurs crises. Michaël Kahana enregistrera l’activité électrique dans le cerveau des patients pendant qu’ils feront des tests de mémoire.
« La mémoire est comme un moteur de recherche», explique le chercheur. « Dans l’encodage de la mémoire initiale, chaque événement doit être étiqueté. Puis, lors de la récupération, vous devez être en mesure de rechercher efficacement en utilisant ces étiquettes. « Il espère trouver le signal électrique associé à ces deux opérations.
Une fois qu’ils auront trouvé le signal, les chercheurs vont tenter de les amplifier en utilisant des dispositifs de stimulation neurale sophistiqués. Ici, Michaël Kahana travaille avec le fabricant d’appareils médicaux Medtronic à Minneapolis, qui a déjà mis au point un implant expérimental q peut aussi bien enregistrer l’activité neuronale que stimuler le cerveau. Les chercheurs ont longtemps voulu un tel appareil « en boucle fermée », car il peut utiliser le signal en temps réel à partir du cerveau pour définir des paramètres de stimulation.
Michaël Kahana reconnait que concevoir de tels systèmes en boucle fermée pose un défi technique majeur. Enregistrer l’activité neuronale naturelle est difficile quand la stimulation introduit un nouveau signal électrique, de sorte que le dispositif doit avoir un circuit spécial qui lui permet de basculer rapidement entre les deux fonctions. De plus, l’information enregistrée doit être interprétée à une vitesse époustouflante de sorte qu’elle peut être traduite en une commande de stimulation. « Nous devons prendre des analyses qui prendraient plusieurs heures de calcul sur un ordinateur personnel et les réduise à un algorithme de 10 millisecondes,» dit-il.
Pendant les 4 prochaines années, Michaël Kahana espère que son équipe pourra montrer que de tels systèmes améliorent de manière fiable la mémoire chez les patients qui ont déjà subi une chirurgie du cerveau contre l’épilepsie ou la maladie de Parkinson. Cela, dit-il, jettera les bases pour de futures expériences dans lesquelles les chercheurs médicaux pourront essayer le matériel chez des personnes atteintes de blessures traumatiques du cerveau, des personnes qui ne recevraient pas normalement de neurochirurgie invasive.
La deuxième équipe de recherche est dirigée par Itzhak Fried, directeur du Laboratoire de neurophysiologie cognitive à l’Université de Californie, Los Angeles. Cette équipe mettra l’accent sur une partie du cerveau appelée le cortex entorhinal, qui est la porte d’entrée de l’hippocampe, la région du cerveau associée à la formation primaire et le stockage de la mémoire. «Notre approche sur le programme RAM est de prendre position sur ce circuit ». Dans une expérience de 2012, il a montré qu’en stimulant les régions entorhinaux des patients, leurs mémoires d’apprentissage étaient bien meilleures.
http://memory.psych.upenn.edu/Main_Page
http://www.darpa.mil/Our_Work/BTO/Programs/Restoring_Active_Memory_RAM.aspx
http://www.darpa.mil/NewsEvents/Releases/2014/07/09.aspx