« Il les aide à s’engager d’une manière que nous considérons comme allant de soi », a déclaré Tom Oxley, PDG de Synchron. Philip O’Keefe, l’un des patients de Synchron participant à l’essai clinique SWITCH, utilisant son BCI.
Synchron fait partie d’un groupe émergent d’entreprises qui testent des technologies dans le secteur des interfaces cerveau-ordinateur. Le système est implanté dans les vaisseaux sanguins et permet aux patients de faire fonctionner la technologie en utilisant uniquement leur esprit.
Dans un laboratoire de Brooklyn rempli d’imprimantes 3D et d’un terrain de pickleball de fortune, les employés d’une startup d’interface cérébrale baptisée Synchron travaillent sur une technologie conçue pour transformer la vie quotidienne des personnes paralysées.
Le commutateur Synchron est implanté dans les vaisseaux sanguins pour permettre aux personnes dont la mobilité physique est nulle ou très limitée de faire fonctionner des technologies telles que des curseurs et des appareils domestiques intelligents en utilisant leur esprit. Jusqu’à présent, cette technologie naissante a été utilisée sur trois patients aux États-Unis et quatre en Australie.
« J’ai vu des moments entre le patient et son partenaire, ou le patient et son conjoint, où c’est incroyablement joyeux et valorisant d’avoir retrouvé une capacité à être un peu plus indépendant qu’avant », a déclaré Tom Oxley, PDG de Synchron. « Cela les aide à s’engager d’une manière que nous tenons pour acquise ».
Fondée en 2012, Synchron fait partie de l’industrie florissante des interfaces cerveau-ordinateur, ou BCI (Brain-Computer Interface). Une BCI est un système qui déchiffre les signaux du cerveau et les traduit en commandes pour des technologies externes. Le nom le plus connu dans ce domaine est sans doute Neuralink, grâce à la notoriété de son fondateur Elon Musk, qui est aussi le PDG de Tesla.
Mais Elon Musk n’est pas le seul milliardaire de la technologie à parier sur la transition éventuelle de la BCI d’une expérience scientifique radicale à une entreprise médicale florissante. En décembre, Synchron a annoncé un tour de table de 75 millions de dollars, incluant des fonds provenant des sociétés d’investissement du cofondateur de Microsoft, Bill Gates, et du fondateur d’Amazon, Jeff Bezos.
Plus évolutive
En août 2020, la Food and Drug Administration a accordé à Synchron la désignation Breakthrough Device, qui concerne les dispositifs médicaux ayant le potentiel de fournir un traitement amélioré pour des conditions débilitantes ou potentiellement mortelles. L’année suivante, Synchron est devenue la première société à recevoir une exemption de dispositif expérimental de la FDA pour mener des essais d’un BCI implantable de façon permanente chez des patients humains.
Synchron recrute actuellement des patients dans le cadre d’un essai de faisabilité précoce, qui vise à montrer que la technologie est sûre pour les humains. Six patients seront implantés avec le BCI de Synchron au cours de l’étude, et le directeur commercial Kurt Haggstrom a déclaré que la société en est actuellement à la moitié.
La société n’a pas encore de revenus, et un porte-parole a déclaré que Synchron ne fait aucun commentaire sur le coût final de la procédure.
Alors que de nombreux concurrents doivent implanter leurs BCI par le biais d’une chirurgie cérébrale ouverte, Synchron s’appuie sur une approche moins invasive qui s’appuie sur des décennies de techniques endovasculaires existantes, a déclaré la société.
Le réseau d’électrodes endovasculaires Stentrode™. Source : Synchron
Le BCI de Synchron est inséré par les vaisseaux sanguins, que Tom Oxley appelle les « autoroutes naturelles » vers le cerveau. L’endoprothèse de Synchron, appelée Stentrode, est équipée de minuscules capteurs et est acheminée vers la grande veine qui se trouve à côté du cortex moteur. La Stentrode est reliée à une antenne qui se trouve sous la peau de la poitrine et recueille les données brutes du cerveau qu’elle envoie hors du corps à des dispositifs externes.
Peter Yoo, directeur principal des neurosciences chez Synchron, explique que, puisque le dispositif n’est pas inséré directement dans le tissu cérébral, la qualité du signal cérébral n’est pas parfaite. Mais le cerveau n’aime pas être touché par des corps étrangers, a ajouté Peter Yoo, et la nature moins invasive de la procédure la rend plus accessible.
« Il y a environ 2 000 interventionnistes qui peuvent effectuer ces procédures », a déclaré Peter Yoo. « C’est un peu plus évolutif, comparé, par exemple, à la chirurgie à cerveau ouvert ou aux trous de bavure, que seuls les neurochirurgiens peuvent pratiquer ».
Philip O’Keefe, l’un des patients de Synchron dans l’essai clinique SWITCH, a été la première personne au monde à tweeter en utilisant un dispositif BCI. Source : Synchron
Pour les patients atteints de paralysie grave ou de maladies dégénératives comme la sclérose latérale amyotrophique, ou SLA, la technologie de Synchron peut les aider à retrouver leur capacité à communiquer avec leurs amis, leur famille et le monde extérieur, que ce soit en tapant, en envoyant des textos ou même en accédant aux médias sociaux.
Les patients peuvent utiliser le BCI de Synchron pour faire des achats en ligne et gérer leur santé et leurs finances, mais Tom Oxley a déclaré que ce qui les passionne le plus souvent est la messagerie texte.
« Perdre la possibilité d’envoyer des messages texte est incroyablement isolant », a déclaré Tom Oxley. « Rétablir la possibilité d’envoyer des SMS à ses proches est une restauration du pouvoir très émotionnelle ».
En décembre 2021, ce dernier a remis son compte Twitter à un patient nommé Philip O’Keefe, atteint de la SLA et qui a du mal à bouger ses mains. Environ 20 mois plus tôt, Philip O’Keefe a été implanté avec le BCI de Synchron.
« Bonjour, monde ! Court tweet. Progrès monumental », a tweeté M. O’Keefe sur la page de M. Oxley, en utilisant la BCI.
La technologie de Synchron a attiré l’attention de ses concurrents. Selon un rapport de Reuters, Elon Musk a approché la société pour discuter d’un investissement potentiel l’année dernière. Synchron a refusé de commenter ce rapport. Neuralink n’a pas répondu à une demande de commentaire.
Neuralink développe un BCI conçu pour être inséré directement dans le tissu cérébral et, bien que la société n’ait pas encore testé son dispositif sur des humains, Musk a déclaré qu’il espérait qu’elle le ferait cette année.
Kurt Haggstrom a déclaré que le financement de son entreprise permettra d’accélérer le développement du produit de Synchron et de le pousser vers un essai clinique pivot qui rapprocherait l’entreprise de la commercialisation.
Alex Morgan, partenaire de Khosla Ventures, qui a dirigé un tour de financement antérieur, a déclaré que si le dispositif de Synchron peut sembler sortir de la science-fiction, il est fondé sur la « science réelle » et fait déjà une différence significative dans la vie des patients.
« Synchron est en train d’aider des gens en ce moment même, aujourd’hui », a-t-il déclaré dans une interview. « Cela, pour moi, est vraiment exceptionnel ».
L’interface cerveau-ordinateur de Synchron, The Stentrode™ Endovascular Electrode Array and Implantable Receiver Transmitter Unit. Source : Synchron
En janvier, la revue médicale JAMA Neurology a publié les résultats de sécurité à long terme, examinés par des pairs, d’un essai du système BCI de Synchron en Australie. L’étude a révélé que la technologie est restée sûre et que la qualité du signal ou les performances ne se sont pas détériorées sur une période de 12 mois.
« C’était une énorme publication pour nous « , a déclaré Kurt Haggstrom.
Selon ce dernier, la commercialisation est essentielle pour tous les acteurs de l’industrie.
« J’aime toujours être compétitif, et donc pour moi, être le premier sur le marché est essentiel », souligne Kurt Haggstrom. « Nous rencontrons de futurs patients pour parler de leurs besoins et autres, et donc quand vous voyez cela, et que vous parlez à ces familles et aux soignants, vous voulez courir aussi vite que possible pour leur fournir une assistance dans leur vie quotidienne. »
